Désormais appelé Grand Matabiau-Quai d’Oc, ce projet impliquant la destruction de 91 bâtiments et la projection de plus de 300 000m2 de bureaux est exemplaire de la dynamique actuelle du projet métropolitain : centralisation économique, recherche de rayonnement et abondance de discours. Exemplaire, il l’est aussi par l’effort de mobilisation citoyenne, par la participation qu’il a déployée. C’est sur cet aspect que nous allons nous focaliser pour voir comment les choses changent pour que rien ne change.
Les travaux qui ont commencé autour de la gare Matabiau en 2018 occupent une place singulière dans le « projet urbain » toulousain. Il se matérialise aujourd’hui par la destruction de l’avenue de Lyon et de la rue du Maroc [1], quelques bâtiments récemment réalisés et la rénovation de la gare. Cela représente pourtant qu’une toute petite partie d’un projet qui s’annonce lui-même, dans les propres mots des concepteurs, comme « une nouvelle dimension pour Toulouse ».
C’est d’abord par sa banalité que ce projet a une dimension métropolitaine. Des quartiers d’affaire de gare ont déjà été réalisés dans de nombreuses villes [2]. Pour les investisseurs, le nombre de bureaux disponibles, mais aussi leurs qualités, tant en termes de construction que de localisation, sont des éléments déterminants pour jauger du statut d’une « place » immobilière [3]. Entre temps, le télétravail est passé par là et beaucoup d’incertitude pèse sur cet aspect. Pourtant les aménageurs parient encore sur la démesure comme en témoigne le maintien du projet de la tour d’Occitanie qui doit être un « geste architectural » marquant la ville et l’inscrire sur la scène internationale. La compétitivité entre les territoires est en effet centrale dans l’investissement dans de tels projets d’infrastructure « produisant le paradoxe suivant : un élément incontournable de la panoplie métropolitaine, mais également peu distinctif des autres métropoles. » [4]
Cette nouvelle dimension pour Toulouse c’est aussi le rapport de la ville centre avec son agglomération. « La réorganisation de l’ensemble du quartier, et non seulement de la gare et de son espace ferroviaire, pour créer une porte intérieure de la métropole, représente une véritable opportunité pour Toulouse » déclarait ainsi l’urbaniste star Joan Busquet lors d’une réunion de concertation [5]. Cette connexion en partie fantasmée du fait de la dégradation du réseau ferroviaire est un véritable mantra de la ville durable [6] qui arrive à associer croissance et décarbonation.
Rebaptisée Pôle d’Échange Multimodal, la gare, construite à la limite des faubourgs en bordure de ville au XIXe, est réintégrée au centre-ville. Elle devient le centre de la métropole. C’est un des objectifs de ce projet, étaler le centre-ville le long des allées Jean Jaurès, ramblas pour faire plus chic. Connectant ainsi le centre historique avec le siège de la bureaucratie métropolitaine qui s’est installée depuis le début des années 2010 en haut de ces « Champs Élysées » toulousains comme on disait à l’heure de la modernité automobile. Qui a dit qu’il n’y avait pas de continuité dans l’urbanisme toulousain ?
Ce projet est exemplaire aussi par la façon dont il a organisé la « participation ». Avec un paradoxe saisissant entre un indiscutable effort des pouvoirs publics pour impliquer les associations et le manque d’information et de consultation des habitant·es directement concerné·es [7], la mobilisation des énergies citoyennes est un élément indispensable et incontournable d’un aménagement qui ne cesse pourtant pas d’être violent et autoritaire.
En 2013, six ans après le début des études préparatoires, une première phase de participation commence. Elle est « volontaire » parce qu’elle ne répond pas aux obligations légales qui existent en la matière. Six rencontres thématiques vont convoquer un grand nombre d’organisations diverses. Un élu en résume l’esprit en ouverture d’un des premiers ateliers : « L’objectif des ateliers est de construire progressivement un projet nourri par chacun et compris par tous : c’est sur cette base que les choix se feront. Tout le travail actuel vise à accumuler des échanges sur les enjeux du projet. » [8] Nous en faisons ici une analyse à partir des comptes rendus mis à disposition par la ville [9].
Il y aura six ateliers participatifs constitués par 3 collèges : les riverains, en l’espèce des associations de quartier même parfois éloignées ; des « acteurs de la vie locale » regroupant des institutions assez disparates allant de l’association sportive à la fédération des usager.es de transports en passant par les syndicats tant patronaux que salarié·es, et enfin le 3 ème : des « professionnels de l’aménagement », mais regroupant autant l’Ordre des architectes que la Chambre de commerce et d’industrie. Il est difficile de comprendre à quelle logique correspond ce recrutement. D’une certaine manière, elle est encore un marqueur d’ambition : l’ensemble de la ville doit venir apporter à la réflexion et faire sien ce projet. C’est en cela que la participation est peut-être avant tout une mobilisation [10] : « action par laquelle des individus sont appelés à unir leurs forces au service d’une cause ou se rassemblent en vue d’une entreprise commune » (CNTRL). C’est à dire, une manière pour les pouvoirs publics de créer une dynamique positive autour du projet plus que de mettre en débat des choix et des orientations sur l’aménagement.
Le premier atelier, en juillet 2013, se déroule sur toute une après-midi, les suivants entre 18h et 20h. Il n’y a pas, dans les comptes rendus, d’indication sur les présences. Ainsi, il est difficile de connaitre le résultat de toutes ces invitations. On connaît néanmoins la méthode des ateliers reposant sur un partage d’information préalable sur un thème [11] et ensuite un court échange par petit groupe sur document. À aucun moment une discussion n’a lieu sur les raisons et nécessités qui conduisent à un tel projet. Le périmètre d’étude présenté est très large, noyant les spécificités de la zone qui sera finalement détruite. Il faut noter d’ailleurs qu’aucune association d’habitant·es ne représente les secteurs de l’avenue de Lyon et de la rue du Maroc. Le Conseil Municipal des jeunes sera aussi invité à avoir un avis cette même année : « Six mois de réflexions, pour Jean François, Benoit, Tim, Léa, Maxime, Alexis, Karishma, Guillaume, Anthony, Thomas, Alexandre, Mathieu et Edouard à raison d’une réunion mensuelle entre avril et novembre 2013. Balade dans le quartier, travaux avec les urbanistes… » On leur a bien expliqué que le projet prendra du temps et qu’il est indispensable : « L’objectif affiché est celui de faire du centre-ville de Toulouse celui d’une métropole européenne où le dynamisme économique, la qualité environnementale, et la mixité sociale et fonctionnelle cohabitent. » Le 17 décembre 2013, le conseil des jeunes s’exprimera positivement sur le projet Toulouse Eurosudouest qui n’est pourtant pour l’instant qu’une intention (de celles dont l’enfer est pavé).
C’est la force et la faiblesse de ces premières sessions de consultation, elles ne reposent sur rien ou quasiment rien, ce qui est déjà beaucoup. Quasiment rien parce que nous sommes au stade des intentions. Le projet n’est même pas un projet en quelque sorte. Et pourtant ce sont déjà d’énormes quantités d’informations qui sont partagées et les intentions sont lestées du poids du savoir urbanistique qui donne l’illusion de saisir toute la complexité du système urbain. Les participant·es se plaindront d’ailleurs de ne pas avoir d’espace suffisant pour la discussion.
Une seconde phase de concertation a lieu en 2015, alors que sur le terrain les acquisitions vont bon train, bien que toujours rien ne soit visible en termes de travaux. Cinq ateliers ont lieu entre janvier et mai [12] dans la perspective d’une validation du « projet » fin 2015-début 2016. Mettons des guillemets à projet tant nous sommes encore loin de ce que nous pouvons nous imaginer comme un projet de construction : il n’y a pas de plan, le périmètre est très large et les intentions de construction sont encore très floues. Il s’agit de réfléchir de manière abstraite, ce qui n’est pas sans effet sur ce qu’il est possible de prendre en compte. Les ateliers ont été élargis et intègrent de nouveaux participants. Le déroulement a été légèrement modifié par rapport à la phase précédente, pour accéder aux demandes faites en termes d’échange. Les ateliers durent désormais 3h, segmentés en 3 séquences : une présentation des études, avec des supports, un travail en sous-groupes et un temps d’échanges. Le premier consiste en une présentation générale du projet et de la méthode, les suivants sont thématiques : atelier n°2, Fondamentaux du projet urbain ; atelier n°3 : Accessibilité, mobilité et aménagement du Pôle d’Echanges Multimodal de Matabiau ; atelier n°4 : Programmation urbaine et aménagement des quartiers existants. Participe à ces ateliers un grand nombre d’organisations qui ne sont plus présentées en trois tiers, mais en liste. Il est pourtant toujours possible de distinguer grossièrement trois types d’organisation : des « habitant·es », des groupements professionnels et des institutions publiques ou parapubliques [13].
Ce sont donc près de trois ans d’ateliers et d’échanges autour des enjeux du projet, on ne peut pas rêver de participation plus « exemplaire », d’ailleurs Toulouse Métropole le rappellera sans cesse tout au long du processus, en prenant soin de souligner que rien ne l’obligeait à de tels efforts. Pourtant il est assez facile de percevoir les manques et les faiblesses du processus et, encore plus, son caractère proprement policier. En effet, c’est avant tout un objectif de bonne gouvernance qui prévaut à cette volonté de participation.
Les activités de concertation sont un élément indispensable du discours des pouvoirs publics qui y trouvent une source de légitimité. « Les contributions des Ateliers au projet Toulouse EuroSudOuest [14] ont été riches et de qualité. Malgré la diversité des enjeux liés au projet, de grandes orientations communes se dégagent avec le souhait de construire un projet durable et évolutif tout en améliorant au plus tôt le cadre de vie et le fonctionnement de la gare. » Est-ce le cadre de vie de la gare qui est ainsi amélioré ? Qui est le véritable sujet de cette amélioration ? Nous sommes d’ailleurs immédiatement invité.es à élargir notre champ de réflexion. « Le vaste territoire d’études sur lequel s’étend le projet appelle à des réflexions qui dépassent l’évolution des seules gares Raynal et Matabiau, renvoyant à des problématiques métropolitaines, régionales, nationales et européennes. » Le dé-zoom peut donner le vertige, partant de la gare nous voilà d’un seul coup à l’échelle de l’Europe. Pourquoi ? Comment ? Mystère. Et immédiatement, sans transition, le texte nous replonge dans les questions domestiques et quotidiennes qui semblent dès lors bien relatives : « Par ailleurs, des prises de position sont parfois divergentes à l’échelle des quartiers. Ce grand projet nécessite une vision globale sans pour autant omettre les spécificités de chacun des quartiers qui le composent. Un juste équilibre est à trouver. » Un juste équilibre entre les besoins des habitant·es et l’Europe ? Nous voilà obligé.es de tenter d’imaginer le mariage de la carpe et du lapin.
La présentation power point que ce texte introduit est un bel exemple des restitutions dominées par la raison urbaniste. Accumulation de cartes et d’informations nous faisant naviguer à différentes échelles et découpant le réel en éléments séparés qui deviennent alors quantifiables. Le savoir produit écrase l’expérience vécue des lieux qui semblent dès lors dénués de toute légitimité. Il est notable que dans ce flot d’information à aucun moment l’avenue de Lyon, qui sera détruite donc, n’est montrée. Même quand elle est concernée directement, les bâtiments n’apparaissent pas.
Les questions sont suspendues dans l’air, loin de la réalité concrète des personnes concernées. Nous sommes contraint.es à regarder nos existences depuis une position complètement désincarnée qui se présente comme celle de l’intérêt public. Pourtant, dans le même temps le dispositif invite à venir combler les manques. Par exemple, on trouve à maintes reprises, dans les comptes rendus, l’idée que le projet évolue, qu’il n’est pas « fixé ». C’est un argument positif, visant à valoriser les éventuelles suggestions. Cela souligne l’ouverture d’esprit et la possibilité d’une participation réelle. En effet, si la nécessité du projet n’est absolument jamais discutée ; la métropolisation est une réalité à laquelle il faut s’adapter. Par contre les « enjeux » et les « problématiques » sont abondamment partagés. Ce qui a deux intérêts : d’une part de ce fait le projet échappe à toute critique puisqu’il n’existe pas et, d’autre part, un nombre important de personnes est amené à partager les cadres de réflexions, le point de vue des aménageurs. Ce qui se partage ici c’est une vision, une manière de dire et de décrire la réalité, qui met à distance le concret de la vie quotidienne. Les participant·es de la concertation sont invité.es à penser avec les concepteurs, comme les concepteurs, pour le bénéfice du projet. Une sorte de mise au travail gratuit en quelque sorte, déjà constaté ailleurs dans le cadre des recherches sur la concertation : « la démocratie participative contribue à l’amélioration de la gestion urbaine avec l’idée que “mieux gérer, c’est gérer plus près et gérer avec”. La visée est alors la plus grande efficacité des processus décisionnels et la gestion des conflits potentiels. L’échange entre habitants permet d’optimiser la rationalité des solutions proposées et des décisions prises, d’anticiper les conflits et de les désamorcer, et ainsi de rendre les projets indiscutables. Les dispositifs participatifs peuvent être un outil managérial à disposition des élus pour faire pression sur les services administratifs, pour accroître leur réactivité et “externaliser” la contrainte de modernisation et d’adaptation. » [15]
Les échanges sur la question des bureaux sont particulièrement éclairants. Ils sont rares (alors que c’est un enjeu majeur du projet), mais on peut en repérer deux qui montrent l’influence des professionnels et le déséquilibre de la parole dans de tels endroits. Le premier échange, lors de la réunion du 31 mars 2015, est particulièrement éclairant :
« Un représentant de l’association Michel-Ange : Je comprends le besoin de bureaux autour de la gare, mais beaucoup sont vides à Toulouse. Quel avenir auront ces zones, avec cet important développement de bureaux ?
M. Busquets : Ces nouveaux bureaux s’inscriront dans une logique d’espaces de travail flexibles. L’Est, vers Michel-Ange, pourrait offrir une évolution productive, via une hauteur de bâti moyenne, mais avec une activité économique très dense. D’où, notre volonté de garantir aussi un accès Est-Ouest.
Un représentant de l’Observatoire Toulousain de l’Immobilier d’Entreprise (OTIE) : Je travaille pour l’un des commercialisateurs de bureaux de l’OTIE. A Toulouse, 200 000 m2 de bureaux sont disponibles, dont 50 000-60 000 m2 à Bordelongue, soit 1 an de stock, signe d’un marché sain. A Borderouge, seuls 500 m2 sont vacants. Toutes les zones tertiaires de la périphérie ont des problèmes d’accès. La seule qui n’ait aucun bureau vacant est Balma Gramont, à 3 stations de métro du centre-ville... Un projet structurant de bureaux en centre-ville, qui permette de répondre à une demande d’accessibilité et de proximité, est vital aujourd’hui. L’approche mixte menée permet aussi d’implanter des bureaux en première ligne de zones plus bruyantes, avec de l’habitation derrière. »
La technicité du professionnel est incontestable, d’autant qu’elle est validée par l’architecte star, dès lors comment remettre en question ce diagnostic pour le représentant de l’association ? Le projet s’impose par la nécessité, il n’y a pas d’alternative.
Enfin, plus tard, alors qu’à aucun moment les termes « quartier d’affaires » n’ont été prononcés, le président de l’OTIE bénéficie d’une tribune pour justifier l’importance de l’implantation d’une grande surface de bureau, lors de la dernière session le 19 mai 2015 : « Les 4 000 000 m2 de bureaux existants sur les trois intercommunalités (Toulouse Métropole, SICOVAL, Muretain) sont en périphérie de Toulouse. 74% des trajets domicile-travail se font en voiture et la rocade est logiquement saturée. La création d’un quartier d’affaires en ville est donc importante, à l’image de ceux de Lyon, Lille, Marseille et Bordeaux [16]. Actuellement, Bordeaux est le premier concurrent de Toulouse dans son réaménagement à venir de la gare Saint-Jean. Le quartier de Compans-Caffarelli date des années 90. De dimensions réduites, il est éloigné de la gare. Les sociétés qui y étaient installées ont dû partir en périphérie pour s’agrandir. Pour désengorger la rocade, il faut permettre aux gens qui travaillent de rejoindre un lieu très central, en utilisant à plein les transports en commun. Matabiau est le site idéal pour un centre d’affaires, intégré à un centre urbain. Nous ne sommes en revanche pas convaincus par l’extension des immeubles de bureaux, jusqu’à Raynal. »
La fin des années 90 et le début des années 2000 voient s’institutionnaliser un certain nombre de dispositifs de concertation. À la fois dans la lignée du développement durable (ou soutenable) qui s’impose comme nouveau référentiel pour la croissance et sur le constat d’un certain nombre d’entraves aux grandes opérations [17]. Le projet TESO ne déroge pas à la règle, la concertation obligatoire prévue au code de l’urbanisme [18] s’ouvre du 29 mars au 28 juin 2016.
Le locataire de la mairie a changé et il a soin de couper avec un certain esprit du « projet urbain » [19]. La concertation se déroule donc dans un schéma classique d’information, questions et réponses. Ce sont 110 contributions qui sont recensées par la municipalité et qui permettent de conclure qu’il s’agit d’« Une concertation contributive qui montre globalement l’adhésion des participants au projet : il intéresse et questionne. » La phrase est pour le moins ambigüe : est-ce qu’il s’agit d’adhésion ou d’intérêt ? Ce n’est pas tout à fait la même chose. La phrase suivante ne fait que renforcer la confusion : « Les contributions et arguments exposés traduisent autant les préoccupations soulevées par le projet que les bénéfices attendus. » Enfin si les arguments sont autant des « préoccupations » que des « bénéfices », ne serait-il pas plus juste de parler d’une réception mitigée ? Pour finir, il s’agirait d’une « concertation bien suivie, notamment lors de la réunion publique du 12 mai où 600 personnes étaient présentes, dénotant l’intérêt pour le projet. » Rappelons que les tenants du projet argumentent qu’il s’agit d’un projet métropolitain, la population concernée est donc de près d’1 millions de personnes. Avouons que le ratio est faible, d’autant que rien n’assure que la présence témoigne d’un « intérêt » et encore moins d’une adhésion, bien au contraire. En page 20 du rapport, un encadré évoque rapidement la contestation, la mise en page traduit le caractère incongru de celle-ci, à la fois en dehors du cours du projet et dans un périmètre restreint.
La retranscription des prises de paroles permet d’avoir une idée de « l’incident » lors de la réunion du 12 mai 2016 :
« Ce projet est massivement refusé par les habitants [20] du quartier et c’est pourquoi vous déployez autant de moyens pour en faire la publicité. Personne ne peut croire que ce quartier servira à ses habitants et aux Toulousains en général. Nous affirmons que les pauvres seront “virés” et que la priorité ira aux bureaux de multinationales plutôt qu’aux logements, en nous appuyant sur ce que Toulouse Métropole a fait du quartier dans les 5 dernières années : l’avenue de Lyon par exemple ne compte plus les logements réquisitionnés par la Mairie, fermés, murés, où des feux se déclarent vu la vétusté des lieux. Vous ruinez ce quartier, vous l’abandonnez pour pouvoir le vendre aux promoteurs et le faire habiter par des résidents qui viendront en TGV. Vous videz la ville des Toulousains. Vous fermez les lignes TER et vous nous faites croire que vous développez la mobilité. Nous ne sommes pas venus vous parler, car vous êtes là pour nous tromper, mais pour sensibiliser l’assistance : à quoi veut-on que cette ville ressemble ? Vous mettez les formes pour nous la voler et implanter des projets qui se chiffrent en millions et qui permettront suffisamment de spéculation pour que vous en profitiez. Pourquoi y a-t-il autant de moyens ? Personne n’y serait favorable si le projet était présenté tel qu’il est vraiment. »
Et le maire de répondre en se défaussant sur la municipalité précédente et en mentant sur l’état des logements dans la zone :
« La précédente municipalité a engagé des acquisitions foncières au bas de l’avenue de Lyon pour une raison très simple : ce bâti, entre le canal du Midi et le pont de la SNCF, est très ancien et indigne. Certains s’en accommodent et conçoivent que des résidents puissent vivre dans ces taudis [21]. L’appréciation de notre collectivité est que nous devons acheter ce bâti “à bout de souffle” dans le cadre d’un renouvèlement urbain pour construire des logements pour tous, de typologies diverses, afin que des habitants au niveau de vie différente puissent y vivre décemment. Cette première phase, d’acquisition de bâtiments, est en cours. Des logements neufs seront construits et les familles de condition modeste qui y logeront, vivront dans des conditions plus dignes que celles qu’elles connaissent aujourd’hui. »
Ainsi, la seule fois où une question directe pose la conflictualité, le vernis de la concertation éclate pour laisser voir la violence du processus. Nous pouvons affirmer [22] que le quartier n’était nullement un quartier de taudis. Si, bien évidemment, des travaux de rénovation était nécessaires sur une partie du bâtit, comme dans l’ensemble de la ville, les conditions d’habitation étaient loin d’être indignes. Les bâtiments étaient bien moins anciens que bon nombre de ceux du centre-ville et un certain nombre avait été entièrement rénové assez récemment.
Interrogée en novembre 2018, une responsable du CoDEV [23] résumera le bilan de cette concertation : « Là, ce que je peux dire c’est qu’il y a une reconnaissance de la qualité de la participation. Je pense que les associations évidemment, considèrent que l’ensemble de leurs demandes, de leurs revendications, de leurs suggestions n’a pas été pris en considération. Là c’est tout le débat sur comment se prend la décision. On a bien été sur un processus de concertation, encore une fois dont la qualité a plutôt été reconnue. Ensuite, la manière dont la décision s’est prise, voilà, les élus revendiquent l’exclusivité de la décision, ça ne veut pas dire qu’ils n’intègrent pas un certain nombre d’observations. Je pense qu’il y a un certain nombre de choses qui a été intégré, encore une fois, probablement pas à la hauteur de ce qu’ont demandé les associations. » [24] Sans le vouloir, cette responsable faisait un jeu de mots assez pertinent puisque c’est bien une question de hauteur qui sera le casus belli qui fera tanguer ce bel édifice.
En particulier l’emblématique vote pour la construction d’un immeuble de grande hauteur sur le site du tri postal près de la gare Matabiau. « À la base, nous étions partis sur une proposition d’immeuble de 50 mètres de haut. Mais les promoteurs nous ont proposé un édifice de très grande hauteur » [25]. Pour le symbole, le maire de service annoncera la construction d’une tour de 150 mètres au salon des professionnels de l’immobilier à Cannes en mars 2017. De nombreuses associations d’habitant·es vont dès lors contester les nouvelles moutures du projet et notamment les hauteurs trop importantes. Ainsi, le projet, en se matérialisant, commence à faire surgir des oppositions. L’année suivante les associations ayant participé à la première phase de concertation sont vent debout : « Après la réunion bronca du 13 mars 2018 à l’Espace Vanel, il avait été convenu avec le Maire que le plan guide 2016, défini grâce à la première concertation, qui a eu lieu de 2013 à 2016, constitue la base des discussions en 2019. » De nouveaux ateliers vont avoir lieu, faisant apparaitre que la plupart des hauteurs prévues ont été multipliées par deux ou trois et que l’emprise au sol n’est plus règlementée (100% de surface constructible). En clair, les promoteurs du projet ont multiplié la surface constructible, et par conséquent la valeur du terrain, au mépris des concertations précédentes. Les associations vont demander un retour au plan guide négocié de 2016 et s’opposer à la tour d’Occitanie. Sur ce dernier point, une bataille judiciaire va s’engager cristallisant les mécontentements, mais occultant aussi l’ampleur du projet [26].
De son titre complet, l’ « enquête publique unique préalable aux opérations de restructuration et d’aménagement du secteur autour de la gare de Toulouse », démarche obligatoire pour obtenir la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) qui permet les expropriations, cette enquête est paradoxale en tant qu’elle sert de feu vert à un projet qui a déjà démarré depuis longtemps et en même temps ne concerne qu’une infime partie du périmètre d’étude. En 2016, celui-ci était de 430 ha, le plan guide urbain concernait 135 ha et la ZAC était prévue alors sur 40 ha (voir l’image un peu plus haut). Trois ans après, ce sont seulement 9 ha, dont 7 d’emprise ferroviaire et de voirie, qui sont concernés. Sur les 2 ha de bâtit, plus de 70 % des lots ont déjà été acquis par la collectivité au cours des 10 dernières années (en 2019), soit à « l’amiable » [27] soit par exercice du droit de préemption urbain. Il ne s’agit que de la 1ère phase du projet (dont on ignore combien il aura de phases) et qui concerne 50 000 m2 de logements, 95 000 m2 de bureaux et 2000 m2 de commerce. C’est donc la première fois qu’un projet au sens commun du terme est amené à la connaissance du public. Il n’y a tout de même pas à proprement parlé de formes architecturales, mais simplement le « programme » [28]. Pour en connaitre les détails, les impacts et les implications, toute personne est autorisée à consulter les 2000 pages A3 du dossier. Celui-ci ne pèse pas moins de 32 kg dans sa version papier. Qui a la capacité, le temps et l’envie d’affronter un tel dossier ? C’est pourtant le seul moment qui soit adossé à une véritable possibilité d’intervention sur le projet. En effet, des erreurs techniques ou règlementaires, ou des insuffisances sur la justification des choix effectués peuvent contraindre à des modifications, voire à un arrêt du projet. Malheureusement ce genre d’enquête n’aboutit que très rarement sur des avis défavorables : « la base rhétorique des projets consiste à les présenter comme autant de solutions à des problèmes, de sorte qu’au lieu de pouvoir sembler arbitraire — pourquoi ce projet-là plutôt qu’un autre dans le champ infini des possibles ? —, ils apparaissent comme une nécessité » [29] Ainsi ces enquêtes ne participent qu’à légitimer un point de vue surplombant qui peut sacrifier les existences particulières, celle-ci ne fait pas exception.
La lecture des conclusions de l’enquête est plus facile, ce sont seulement deux tomes de 169 et de 50 pages ainsi qu’un tome d’annexes de 65 pages. Les enquêteurs énumèrent précisément les 1763 contributions et se félicitent que cette « très bonne » participation « témoigne de l’intérêt croissant de la population pour tout ce qui touche son cadre de vie. » [30] Et, avec près de 60% d’avis favorables (dont une faible partie avec réserve), cette enquête semble couronner un long processus de concertation. Pourtant les associations impliquées dans le processus « ne se sentent pas écoutées » [31] et elles émettent même un avis défavorable. Qu’à cela ne tienne l’information principale est l’adhésion. « Contrairement à la grande majorité des enquêtes publiques pour lesquelles les avis défavorables représentent bien souvent la quasi-totalité des contributions, cette enquête donne un résultat nettement plus équilibré en faveur des opinions favorables grâce notamment à la large implication des professionnels du bâtiment. » [32] Voilà donc une enquête satisfaisante, malgré qu’une infime partie de la population concernée se soit exprimée, et ce dans un double déséquilibre : celui de l’absence des personnes directement concernées par les démolitions et celui de l’imposante présence d’organisations qui ont un bénéfice matériel immédiat. Si les commissaires enquêteur·es reconnaissent que « les nombreux débats, qui ont eu lieu depuis une dizaine d’années n’aient pas permis de faire naître un consensus, ils doivent être salués dans leur ensemble comme un remarquable exercice de co-construction du projet TESO (à l’exception de la Tour). » [33] Ainsi, nous n’apprenons pas grand-chose dans ce dossier si ce n’est que les promoteurs sont pour le projet, les habitant·es sont contre et que les pouvoirs publics n’ont que de bonnes raisons de réaliser ce projet plus que nécessaire. Circulez, il n’y a rien à voir !
Ainsi, au terme de près d’une décennie de rencontres, d’ateliers, de réunions publiques, le projet suit son cours. En mars 2025, l’îlot cheminots – Saint Laurent est progressivement vidé de ses habitant·es à l’instar de l’avenue de Lyon et de la rue du Maroc il y a quelques années. Il connaitra dans un avenir proche le même sort que ces deux rues. Un seul bâtiment a été construit sur une ancienne emprise SNCF. Des travaux de terrassement, de voirie ou de réseaux, dont le sens est difficilement compréhensible, s’enchainent sans interruption. Les travaux de la tour d’Occitanie devraient commencer l’année prochaine et s’achever en 2030 selon son promoteur. Bien entendu tout cela dépend de l’économie, nous ne sommes pas à l’abri d’un retard, voire d’une annulation pure et simple, les voies du marché sont impénétrables. Il faudra certainement attendre une décennie au moins avant de voir la réalisation du projet pour le moins dans sa première phase et espérer une pause dans les travaux.
Pour l’instant, il est toujours difficile d’avoir une idée précise de la forme qu’aura ce nouveau centre pour Toulouse Métropole. Est-ce qu’il sera plus réussi que la place occitane qui a remplacé le vieux quartier Saint George ? Il devait lui aussi être un centre « digne d’une capitale régionale ». Nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir, le pire n’étant jamais certain. Pourtant, ce que nous savons, c’est qu’au milieu de toute cette mobilisation citoyenne la vie a été rendue impossible dans ces quelques rues. En cela cette histoire est exemplaire du projet métropolitain et correspond à ce que disait Henri Lefebvre concernant la production de l’espace spécifique au mode de production capitaliste : « La mobilisation de l’espace devient frénétique, et pousse jusqu’à l’autodestruction des espaces, anciens et nouveaux. L’investissement et la spéculation ne peuvent s’arrêter, même pas se ralentir : ronde, cycle infernal. (…) Elle détruit l’avenir au bénéfice d’intérêts immédiats et le présent au nom d’un avenir programmé et pourtant incertain. » [34]
[1] Voir Archives de la destruction de l’avenue de Lyon. La démolition de l’ilot Cheminot Saint Laurent est imminent à l’heure d’écrire ces lignes en février 2025.
[2] Aurélie Delage, « Gare au standard ! Les nouveaux quartiers de gare TGV, produit d’appel pour des territoires en mal de reconnaissance ? » Annale de la recherche urbaine, 113, 2018, pp. 150-165
[3] L’empire urbain de la finance. Ludovic Halbert, Antoine Guironnet, ed. Amsterdam, 2023.
[4] Aurélie Delage, « Gare au standard ! Les nouveaux quartiers de gare TGV, produit d’appel pour des territoires en mal de reconnaissance ? » déjà cité. p. 152
[5] Réunion de concertation du 3 mars 2015, maison de la citoyenneté des Minimes. Compte rendu disponible sur le site de l’aménageur Europolia.
[6] Une densification censément vertueuse et un développement des transports en commun soutient ce discours qui s’impose par son bon sens. Pourtant, aujourd’hui interroger les usagers des TER c’est découvrir un univers de galère fait de trains annulés et de retards quotidiens. Et concernant la densification, elle est plus une explosion de la rente foncière qu’une mesure écologique. Pour aller plus loin sur les discours pseudo écologiques qui accompagnent le développement des villes voir Contre la ville durable de Matthieu Adam, Ed. Grévis, Caen, 2024.
[7] L’archive de la destruction de l’avenue de Lyon démontre sans aucune ambiguïté cette ignorance entretenue par de la désinformation et des pressions directes sur le terrain.
[8] Jean-Michel Fabre, Adjoint au Maire en charge de la Démocratie Locale et Adjoint du Secteur 3 – Réunion du 30 Octobre 2013.
[9] Encore une fois l’effort critique pour comprendre, et tenter de changer, le court de l’aménagement autoritaire dépend des comptes rendus fabriqués et mis en circulation par l’administration. Pour avoir un point de vue ancré dans la vie quotidienne des damnées de la rénovation urbaine voir l’archive de la destruction de l’avenue de Lyon. En particulier l’article Pascal, habitant de l’avenue de Lyon qui donne un aperçu de la contestation dans le quartier.
[10] Le détail des invitations :
– 1/3 de représentants de riverains soit 14 Associations et comité : Association l’Étoile de Belfort ; Association Bien Vivre à Saint Aubin ; Association du quartier Chalets Roquelaine ; Comité de quartier des Ponts Jumeaux ; Association des copropriétaires de Pacherenc et Raisins ; Comité de quartier Minimes Barrière de Paris ; Association Cheminots Saint Laurent ; Association Michel Ange ; Association îlot Lapujade ; Association Marengo Bonnefoy ; Association7notrequartier ; Association Marengo Jolimont La Colonne ; Bayard Avenir ; Association des Commerçants et Artisans du Faubourg Bonnefoy (A.C.A.F.B.) Toulouse.
– 1/3 d’acteurs de la vie locale constitué par 14 institutions diverses : Conseil des Séniors ; Conseil de la Vie Étudiante ; Conférence du Commerce et de l’Artisanat ; Conseil Toulousains des Résidents Étrangers (COTRE) ; Conseil de Développement Toulouse Métropole (CoDev) ; Mission Locale ; Foyer des Jeunes Travailleurs de Jolimont ; Médiathèque Marengo ; Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT) - Délégation Midi-Pyrénées ; Mouvement des Entreprises DE France (MEDEF) Haute Garonne ; Union départementale de la Confédération Générale du Travail (CGT) de Haute Garonne ; Handicap défi – Association sportive midi toulousain ; Syndicat des Artisans Taxis de la Ville de Toulouse et de la Haute-Garonne (SAT 31) ; Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME 31).
– 1/3 constitué par 11 Institution qualifié de « professionnels de l’aménagement » mais en réalité assez disparate : Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) ; Chambre des Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Garonne ; Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) ; SoToulouse ; Observatoire Toulousain d’Immobilier d’Entreprise (OTIE) ; Association des Professionnels de l’Urbanisme de Midi-Pyrénées (APUMP) ; Centre Méridional de l’Architecture et de la Ville (CMAV) ; Ordre des Architectes ; École Nationale Supérieur d’Architecture de Toulouse (ENSA) ; Union Sociale pour l’Habitat (USH) ; Fédération Régionale des Promoteurs Immobiliers.
[11] L’Atelier du 25/09 logistique urbaine ; le 09/10 situation sociodémographique à l’intérieur du périmètre d’études à partir de l’exploitation des données de l’INSSE du recensement de 2009. Les 3 ateliers suivants porteront sur les différentes composantes du projet urbain : Le 30/10 : la programmation ; 20/11 : le Pôle d’Echanges Multimodal, et le 11/12 : l’accessibilité et les premières orientations du projet urbain.
[12] 27 janvier ; 3 et 31 mars ; 20 avril et 19 mai
[13] - Des associations de quartier, toujours très nombreuses, mais qui peuvent tout aussi bien être des regroupements d’habitant·es que des commerçant·es : association 7 notre quartier ; association Amitié Bayard ; association Bayard Avenir ; Association Bien Vivre à Saint Aubin ; association Bourse des Jacobins ; association Cheminots Saint Laurent ; Association des Commerçants et Artisans du Faubourg Bonnefoy de Toulouse (ACAFB) ; Association des copropriétaires de Pacherenc et Raisins ; association du quartier Chalets Roquelaine ; association Etoile de Belfort ; association Marengo Jolimont La Colonne ; association Michel Ange ; association Ilot Lapujade ; Collectif Barthe – La Salade ; Comité de quartier de Lalande ; Comité de quartier Nord Minimes Barrière de Paris ; Union des comités de quartier et associations de défense et d’action pour le cadre vie dans l’agglomération toulousaine (UCQ).
– Des regroupements professionnels : Associations des Professionnels de l’Urbanisme de Midi-Pyrénées (APUMP) ; Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse (CCIT) ; Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Garonne ; Fédération régionale des Promoteurs Immobiliers (FPI) ; Ordre des architectes - Maison de l’Architecture ; Observatoire Toulousain de l’Immobilier d’Entreprise (OTIE), EuroSudTransport. - Des institutions publiques ou para publiques : Conseil de Développement Toulouse Métropole (CoDev) ; Conseil Économique, Social et Environnemental Régional Midi-Pyrénées (CESER) ; Université Toulouse - Toulouse Campus
– Enfin plus difficilement classable : le foyer des Jeunes Travailleurs Jolimont (déménagé depuis) ; Groupement pour l’Insertion des Personnes Handicapées Physiques (GIHP) Midi- Pyrénées ; Handicap défi – Association sportive midi toulousain ; Toulouse Lalande Omnisports (TLO).
[14] Ce texte est issu du diaporama de synthèse disponible sur le site de l’aménageur europolia.
[15] Rémi Lefebvre, « La démocratie participative absorbée par le système politique local », Métropolitiques, 29 octobre 2012, https://www.metropolitiques.eu/La-democratie-participative.html.
[16] Pour un souci de clarté nous passons les chiffrages présents dans le texte original en note : Lyon (900 000 m2 autour de la gare Part-Dieu dans la 1ère tranche, 600 000 m2 dans la 2ème), Lille (350 000 m2 de bureaux sur une centaine d’hectares à Euralille). Pour mémoire le projet TESO prévoit (ou prévoyait) 300 000 m2 de bureau en 2018.
[17] « Dans les administrations françaises, une prise de conscience que la conflictualité́ croissante entourant la préparation des projets complexifie les processus décisionnels, émerge progressivement ; la mise en discussion publique des grandes opérations d’infrastructures puis d’aménagement urbain se présente comme un "impératif de l’action publique" (Bacqué, Gauthier, 2011). La régulation centralisée n’apparait plus ni pertinente politiquement, ni performante socialement, ce qui conduit à ouvrir quelque peu les processus décisionnels aux habitants. » GARDESSE Camille, ZETLAOUI-LEGER Jodelle, "Citizen participation, an essential lever for urban transformation in France ?", in Quintin Bradley, Sue Brownill eds, Neighbourhood Planning and Localism : Power to the People ? Policiy Press, Bristol, UK, 2016.
[18] Article L 103-2 pour les afficionados des codes.
[19] Nous ne voulons pas entrer ici dans les détails de politiquaillerie qui nous feraient glisser sur le terrain des intentions. Nous préférons nous en tenir à une méthode matérialiste qui « consiste avant tout à examiner n’importe quel fait humain en tenant compte bien moins des fins poursuivies que des conséquences nécessairement impliquées par le jeu même des moyens mis en usage. » Simone Weil, Réflexions sur la guerre, Œuvres, Gallimard, Paris, 1999, p. 455
[20] Dans le même temps où, derrière les portes closes de la métropole, les urbanistes font travailler les énergies citoyennes, dans les quartiers concernées le mécontentement se fait plus présent, une chronologie détaillée est lisible ici. Dès 2013 un documentaire sonore est réalisé, il documente la situation. On y entend la parole d’habitants inquiet face à une transformation qu’ils acceptent comme inéluctable. Par exemple : « Quand ils vont raser ça on va partir où ? C’est ça le problème… On est mal barré. Malgré qu’ils nous donnent je ne sais pas combien, on ne trouvera jamais un coin comme ici, on est bien… voilà. L’État c’est l’État, c’est eux qui décident. ».
C’est aussi la Campagne de Réquisition pour l’Entraide et l’Autogestion qui occupe de nombreux bâtiments et proclame : « Bienvenue à Bonnefoï, quartier en lutte. Ni expulsions, ni LGV. Quartier autogéré ! » Voir une histoire de la CREA.
[21] Les parallèles avec les discours sur le quartier Saint Georges sont saisissants.
[22] Différents témoignages ont été recueillis et une enquête réalisée en 2019 en porte à porte a pu montrer le très bon état d’une bonne partie du bâtit restant habité. C’est bien l’abandon qui a abimé ce quartier. La violence de l’abandon déjà vu dans le quartier Saint-Georges, mais aussi par les témoignages des habitant·es de l’avenue de Lyon et qui est une pratique courante comme le donne à entendre le documentaire Personne ne se souviendra de nous.
[23] Conseille de développement de Toulous Métropole établit par la loi en 2013, ce conseil réuni 220 personnes dans des groupes de travail. Il est présidé depuis sa création par Marie Christine Jaillet.
[24] Entretien réalisé le jeudi 8/11/2018.
[25] Actu Toulouse 25 Octobre 2016. https://actu.fr/societe/vers-un-immeuble-de-150-metres-de-haut-pres-de-la-gare-de-toulouse-matabiau_3762228.html
[26] Où en est la tour ? Jamais vraiment assuré d’advenir mais jamais annulé non plus ce projet interroge. Tellement grotesque qu’il semble irréel et que beaucoup n’y croit pas. Pour suivre son actualité il y a un site de promotion : https://occitanietower.com/ il faut savoir y lire un peu entre les lignes. Il existe aussi un forum pour les afficionados des Immeubles de grande hauteur où des gens bien informés échangent sur ces questions : https://www.pss-archi.eu/forum/viewtopic.php?id=34502&p=31.
[27] Il convient de mettre des guillemets à ce termes tant les pressions et la désinformation sont centrales dans les démarches prédatrices de l’établissement pour acquérir le foncier.
[28] Un programme en architecture « définit l’objectif de l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire ainsi que les contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d’insertion dans le paysage et de protection de l’environnement, relatives à la réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage » (wikipédia)
[29] Frédéric Graber, Inutilité publique. Histoire d’une culture politique française., Éditions Amsterdam (Paris, 2022), 35.
[30] Pages 36 du 1er volume du rapport d’enquête (Identification de l’enquête publique : E 18000187/31) Juillet 2019.
[31] Pages 8 du 2nd volume du rapport d’enquête (Identification de l’enquête publique : E 18000187/31) Juillet 2019.
[32] Pages 40 du 1er volume du rapport d’enquête (Identification de l’enquête publique : E 18000187/31) Juillet 2019.
[33] Pages 21 du 1er volume du rapport d’enquête (Identification de l’enquête publique : E 18000187/31) Juillet 2019. Une exception de taille tout de même, d’abord pour les 150 metres de cette tour et ensuite parce que c’est un symbole et un résumé de l’esprit du projet. On pourrait dire que nous avons parlé de tout sauf de l’essentiel.
[34] Henri Lefebvre, La production de l’espace (Paris, France : Éditions Anthropos, 1974), p.388.