Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2020
Un Tunisien à peine majeur comparaît dans le box. Au cours d’un contrôle d’identité, les policiers se rendent compte qu’il est sous le coup d’une interdiction du territoire national de cinq ans. Il aurait dû être expulsé à la suite de son passage au centre de rétention administrative.
La présidente lit d’une voix morne son casier judiciaire : trois mois de prison pour vente de stupéfiants ; vol aggravé ; violence à l’entrée d’un local administratif. Pour le reste – sa vie, ses projets, la personne qu’il est, toutes ces choses paraît-il nécessaires à la personnalisation de la peine –, on saura seulement qu’il travaille au noir dans le bâtiment et qu’il vit en squat. L’enquête de personnalité « ne révèle pas grand-chose », pour ne pas dire rien.
L’interprète traduit les explications du prévenu – elles sont fort brèves : à sa sortie de prison, le confinement l’a empêché d’organiser son départ. Par sa voix, il supplie la présidente de lui accorder les deux jours dont il a besoin pour récupérer son passeport et préparer son retour en Tunisie. Dans un dernier effort pour faire comprendre sa situation, il conclut lui-même en français : « Ça fait trois jours que je n’ai pas mangé. » La présidente note, placide : « Il a reconnu, donc. »
Le procureur demande six mois de prison avec maintien en détention.
La défense non plus n’a pas envie d’y passer la nuit : elle se borne à signaler qu’« il ne faut pas ajouter de la misère à une situation déjà misérable » et s’en remet platement au tribunal « pour ne pas alourdir outre mesure le casier de ce garçon ».
Les juges délibèrent en un éclair : cinq mois de prison et maintien en détention. Rondement menée, l’audience a duré dix minutes : deux minutes par mois de prison.