L'Ekole et le petit quartier Bourrassol

8 novembre 2022 - par Collectif de Radiographie Urbaine

À la fin des années 90, un coin de cité ouvrière de la Cartoucherie, un ancien CFA, des chemins vicinaux et un morceau de campagne en pleine ville. Des retraitées de l’usine, des voyageur·es plus ou moins sédentarisé·es, des stquateureuses plus ou moins nomades.

Habiter en squat c’est habiter dans une parenthèse de la ville. On occupe là où c’est possible entre deux usages. La "vacance", comme ils disent, c’est un moment de jachère du capital foncier. On laisse en friche pour valoriser plus tard. Ça peut être court sur 1 ou 2 ans, ça peut être beaucoup, beaucoup, plus long sur plusieurs dizaines d’années. Quand on rentre dans une maison vide, dans un espace abandonné, c’est comme de faire de l’archéologie. Il y a la marque d’un passé pas si lointain. On voit aussi très vite arriver le futur en cravate ou en fourgon à gyrophare. Il est contondant le futur, il s’impose.
Dans un coin du quartier Bourassol c’était une vraie parenthèse, tout y était obsolète. Un ancien camp de transit transformé en cité ouvrière. Des bâtiments tout en longueur divisés en 3 ou 4 appartements de plain-pied, de deux à quatre pièces. Et pour chacun un petit bout de jardin. Les habitant·es avaient amélioré, agrandi, embelli, leur petit bout de bâtiment. Ajouté une salle de bain, une cuisine, cassée des murs, des rénovations à l’économie faite le weekend ou le soir. Rien de très chic, c’était un quartier populaire.
Le vide avait commencé par le Centre de Formation d’Apprenti au bout de l’impasse Bentaberry. Et puis des maisons de-ci de-là étaient laissées par leurs occupant·es souvent à leur décès. Par loin de là, l’usine où iels avaient travaillé vivait aussi ces derniers jours. GIAT industrie, plus connue sous le nom de "Cartoucherie", aujourd’hui synonyme d’éco quartier.
Des squatteuses et des squatteurs vont s’installer dans l’ancien CFA, en 1997. On y peint, on y jongle, on y fait de la musique, on y répare des camions. Une imprimerie y sera installée pendant un temps. Sur le toit, un crocodile de mousse lézarde au soleil, les voisin·es parlent de la secte du crocodile. Le contact n’est pas simple. Il y a les mauvaises langues, le bailleur l’OPAC qui fait croire que ce sont les voisin·es qui vont payer la facture d’eau des vanupieds qui ne payent rien. Le responsable de la Confédération Nationale du Logement qui n’a que du mépris pour les occupant·es sans droit ni titre. À part quelque contact autour du potager, des dimanches ensoleillés où les spectacles attirent petits et grandes dans la cour du CFA, la mayonnaise ne prend pas dans le quartier. Grignoté par petit bout, il reste une parenthèse.

Vieilles et crocodile
La cour aux camions

Le CFA est expulsé et détruit. Les occupant·es n’ont pas opposé de résistance. Préférant démonter et récupérer ce qui peut l’être pour des lieux à la campagne. Il y a encore dans des coins d’Aveyron et des Cévennes des morceaux de l’ancienne Ekole squattée. Certain·es occupent encore une myriade de petites maisons dans le quartier. Par grappe de deux, trois ou quatre occupent les maisons laissées vident dans un quartier qui dépérit. L’OPAC, c’est à dire la mairie de Toulouse détruit alors systématiquement les faïences des salles de bains, arrache les fenêtres pour empêcher toute occupation, tout usage d’une habitation encore saine.

Mobilier mal en point sur fond d’immobilier en ruine
Des parpaings comme voisin

Il faudra près de dix ans pour que le quartier soit entièrement transformé. De petites résidences de deux ou trois étages ont rationalisé l’usage du sol.
Un voyageur, ancien habitant revenu en visite, contemplant ces petits jardinets collés les uns aux autres avait ce commentaire : "nous ici on fait un barbecue, on a direct des problèmes". La densité n’est pas un concept abstrait c’est aussi des modes de vie empêchés, une normalisation de l’espace. La destruction du petit quartier Bourassol c’est à la fois la disparition d’un quartier encore champêtre en plein Toulouse, mais aussi la diminution concrète de l’espace pour les classes populaires. Non pas que le quartier soit aujourd’hui un quartier riche, au contraire, ce sont de petites surfaces relativement bon marché destinés à de l’accession à la propriété pour des travailleurs et travailleuses. Mais ce qui pouvait faire centralité, un sentiment d’appartenance, et surtout de l’espace pour bricoler une vie à soi, tout cela a disparu au profit de constructions standardisées.

Tout pour devenir propriétaire

Transformations

Spectacle
La cour du CFA en 2017
L’allée en été
Les arbres comme témoins

Plus d’image sur la carte ci-contre et si le cœur vous en dit il y a quelques images intéressantes sur la page wikipedia du quartier.

Quelques années plus tard une occupation a eu lieu sur le terrain encore vide :

Tract de l’occupation du mois d’août 2008

Quelques éléments sur le fond de l’action :

Compte rendu de l’occupation à Bourrassol d’aout 2006
Tract de bilan de l’occupation à Bourrassol d’aout 2006