Il n’est pas inutile pour accompagner la lecture de disposer d’une petite chronologie pour apprécier la période concernée. Celle-ci sera aussi l’occasion de mettre à disposition certain documents utiles et de donner une idée générale des thématiques qui seront abordées tout au long de ces publications.
Au début du siècle dernier, l’urbanisme balbutie, Léon Jaussely est l’un des promoteurs de cette nouvelle science et il est Toulousain. Son point de vue c’est qu’il faut organiser la ville de manière rationnelle : « Dans cet atelier [la ville] (…) on veut éviter les pertes de temps et les déplacements inutiles pour les hommes et pour les choses, qui pèsent déjà gravement sur la vie collective et sur la vie individuelle. (…) Par son organisation, la cité doit fournir le meilleur rendement possible, il faut produire mieux pour vivre mieux, et vivre mieux pour produire mieux. Ceci est l’axiome actuel dont la réalisation constitue le problème de la société moderne. » Cette maxime semble animer les Toulousains de Toulouse quand ils publient leur numéro 28 en avril mai 1920 : L’extension de Toulouse après la guerre. Considérations sur le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension imposé à la Ville par la loi du 14 mars 1919. Essais d’application à ce plan des principes modernes de l’Urbanisme. Avec en exergue une citation de L. Jaussely tiré de sa « Théorie de l’Urbanisme » de 1917 : « Gâter un paysage urbain, c’est proprement gaspiller le capital de la communauté, et, par répercussion, le bien individuel et le sien propre. ».
Extrait : « La population s’y est accrue de près d’un tiers depuis la guerre et est appelée à s’accroître encore par la construction des transpyrénéens et la reconstitution des organismes régionaux qui lui rendent sa place de capitale régionale et même interrégionale. Toulouse ne peut demeurer ce qu’elle était avant la guerre : dans notre Pays déjà arriéré, une des villes les plus en retard sur le progrès moderne. (…) Cela est indigne de la Cité palladienne, cela est indigne de la Toulouse du xx° siècle qui, avec plus de 200.000 habitants se classe au sixième rang des grandes villes de France et doit devenir une de nos grandes capitales régionales. » Et de déplorer l’absence d’« un plan d’ensemble basé sur des principes justes ». « Or, si la nouvelle loi impose aux Cités l’élaboration d’un plan d’ensemble, les principes qui y présideront ne peuvent faire l’objet de dispositions législatives, car de tels principes doivent avant tout résider dans l’esprit et le cœur des citoyens qui ont le devoir d’apporter leur collaboration aux édiles : “Tout citoyen, a dit Jaussely, a le devoir d’être urbaniste.” » [1]
Justement, la proposition schématique de Jaussely de 1931 où l’on voit déjà les principes du zoning et l’importance des voies de circulation dans le projet.
C’est sous le gouvernement de Vichy en 1943 que s’amorce un travail de planification pour la ville avec le travail de Nicod. Il donne lieu à une monographie ronéotypée de 26 pages qui décrit l’existant et reprend une succincte histoire de la ville. Ce travail servira de base au premier document d’urbanisme de la ville. Le maire de la ville dira à ce propos : « Nous avons, en quelque sorte, passé la ville aux rayons X, nous avons examiné quels étaient ses besoins futurs en nous fixant un délai. Jusqu’à maintenant on avait pensé qu’un plan d’urbanisme devait être conçu pour une période de 50 ans. (…) Une des bases de ce plan c’est l’avenir de la ville. » R. Badiou, Maire de Toulouse, Réunion informelle du Conseil Municipal à propos du plan Nicod 1955.
L’enquête publique dite de comodo et d’incomodo sur le plan d’extension et d’embellissement n’aura lieu qu’en janvier – février 1957 et les résultats ne seront communiqués que deux ans plus tard, en 1959. On peut dire que la période est confuse et les moyens relativement limités en termes de planification urbaine. Cette temporalité reflète aussi une certaine conflictualité sur le sujet.
En page 9 du rapport du commissaire, on peut lire : « La première constatation qui s’impose est le volume considérable des réclamations recueillies : nous avons vu, en effet, que leur nombre atteignait 1483, soit environs une pour 183 habitants : or, lors de l’enquête publique sur le plan d’urbanisme de Marseille, par exemple, qui eut lieu en 1953, le nombre de réclamations recueillies s’était élevé à 68 seulement, soit une pour 9700 habitants, 53 fois moins qu’à Toulouse. »
En 1956 a lieu le premier vote sur la rénovation urbaine du quartier Saint Georges, prévoyant la destruction totale de près de 8 hectares du centre-ville. De toute manière, à cette époque, ce qui va prévaloir ce sont les opérations d’aménagements dirigées par l’État. Mais dès 1960 la Mairie de Toulouse se dote d’un Atelier d’Urbanisme Municipale. Création de la Société d’Équipement de la Haute-Garonne (Toulouse Équipement) qui deviendra la SETOMIP. Société d’Économie Mixte (SEM), un montage juridico-financier permettant de réaliser des travaux pour le compte de la puissance publique dans le cadre d’une entreprise privée. La période est à l’accélération et les projets de constructions se multiplient. C’est l’essor des Buildings et des grands ensembles. Illustration en images avec cet immeuble de 1956 (plus d’exemple sur la carte ci-contre).
1963 Toulouse est promue métropole d’équilibre. Entre 1963 et 1968 Toulouse va recevoir 4,6 milliards de francs (7,6 milliards d’Euro après correction de l’inflation) et être destinataire de services déconcentrés de l’État et d’administration régionale.
1967 Loi d’Orientation Foncière (LOF). Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), Plan d’Occupation des Sols (POS)
« En France les principes du zonage et de la spécialisation des espaces urbains sont étudiés et appliqués, finalement de manière assez uniforme sur l’ensemble des métropoles. Les centres urbains sont “reconquis” et restructurés. Les opérations de rénovation expulsent les premiers habitants vers les banlieues éloignées au profit de centres directionnels et de réseaux de voirie importants, réservés à l’automobile qui ouvrent de nouveaux espaces à l’urbanisation. […] Le taux de motorisation (possession d’au moins une automobile) a plus que doublé entre 1959 et 1979, passant en moyenne de 28% des ménages à 69%. Plus de 5% du territoire national est urbanisé et équipé au sens large. » [2]
1970 Installation de la Commission Locale d’Aménagement et d’Urbanisme (CLAU). Premiers éléments du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme.
À la conquête des cœurs et des esprits, l’H.O.R.A : Homme Région Avenir un ensemble de manifestations, expositions ou discussions organisées par le centre national pour la productivité des entreprises en septembre 1971, dans plusieurs dizaines de villes de Midi-Pyrénées afin de « promouvoir une nouvelle image de marque de la région, “changer l’image traditionnelle que nous nous faisons de nous-mêmes” sont quelques-uns des buts de ces opérations. » [3] Et au niveau local, la mairie de Toulouse décide de « pénétrer par les quartiers, mener l’offensive sur les problèmes immédiats et quotidiens. (…) Elle annonce, à l’automne 1971, son intention de créer des mairies de quartier, antennes municipales [et] se propose de favoriser la naissance d’associations de quartier, d’amicales, à défaut de noyauter les comités existants. » [4]
1972 création de l’agence d’urbanisme et d’aménagement de Toulouse (aua/T). C’est une association dont les membres sont l’État et 18 communes, dont Toulouse. Elle compte alors 10 salariés, son périmètre d’intervention est l’agglomération.
Création du parking souterrain du Capitole. 8 mars 1972 inauguration du Centre Commercial de
Portet-sur-Garonne.
1975 Aire urbaine : 152 communes, pôle urbain : 36 communes. Arrêt du SDAU. Schéma Départemental d’Aménagement et d’Urbanisme.
1977 1er POS (Plan d’Occupation des Sols) de Toulouse.
« Parler de l’urbanisme moderne d’une ville comme Toulouse, ce n’est plus seulement réfléchir à la manière de construire sur les espaces encore disponibles ou de discuter sur la hauteur maximale des immeubles. L’urbanisme moderne pose une question beaucoup plus fondamentale : « Pour qui la ville est-elle faite ? » P. Baudis, Maire de Toulouse. [5]
1982 Approbations du SDAU. Aire urbaine Toulousaine : 195 communes. Pôle urbain : 47 communes et 644 089 habitant·es.
1990 Aire urbaine : 255 communes. Pôle urbain : 58 communes et 797 373 habitant·es.
1991 Création du district du Grand Toulouse. 13 communes (15 en 1993).
1994 Ouverture de la ligne de métro A.
1999 Aire urbaine : 342 communes. Pôle urbain : 72 communes et 964 915 habitant·es.
2001 Communauté d’agglomération du Grand Toulouse : 21 communes (25 en 2003). Explosion de l’usine AZF.
L’usine AZF explose en tuant 31 personnes sur le coup et en blessant des milliers d’autres occasionnant des traumatismes physiques et psychologiques à long terme. Pourtant comme l’affirme la plaque commémorative posée en 2014 (voir carte ci-contre), cette usine reste un symbole et une fierté de l’industrie locale.
2002 Loi démocratie de proximité. Actualisation du Projet d’Agglomération.
2003 Installation du Conseil de Développement de Toulouse Métropole (CODEV) [6]. Organisme dont la fonction est d’animer le débat public sur la métropole.
2006 Grand Projet de Ville (GPV) Grand Mirail Empalot. Projet d’aménagement des quartiers populaires de la ville pour en « changer radicalement les équipements et l’espace public ». Au programme destructions, restructurations, déplacements de population.
2009 Communauté Urbaine du Grand Toulouse : 25 communes, 37 en 2011.
2010 Ouverture de La fabrique : Construire le projet urbain de la métropole. Lieu de médiation sur le projet urbain toulousain.
Aire urbaine : 453 communes. Pôle urbain : 73 communes et 1 202 889 habitant·es
« Toulouse, capitale de l’aéronautique, vient d’amorcer son décollage et met le cap sur son destin de grande métropole européenne. Il était temps. Puissance industrielle, dynamique démographique, trésors patrimoniaux, excellence scientifique, technologique, sportive… (…)
Dans le tumulte qui agite Toulouse depuis trois ans, derrière le rideau de grues qui hérissent le ciel de la Ville rose, il n’est pas donné à tous de deviner l’avenir qui se dessine. Or, lorsque l’urbaniste Joan Busquets vient au chevet d’un centre-ville muséifié. Lorsqu’au nord-est l’arrivée de la ligne à grande vitesse doit, entre autres, catapulter la gare Matabiau et son quartier dans le futur, lorsque la réconciliation entre la ville et son fleuve est érigée en principe urbain, ou lorsque Rem Koolhaas imagine le Parc des Expositions de demain tandis que l’on voit poindre sur l’île du Ramier le projet d’un Central Park à la toulousaine, c’est en vérité l’ADN de la métropole qui se transforme. » [7]
2012 Communauté Urbaine Toulouse Métropole : 37 communes
1er janvier 2015 Toulouse Métropoles devient une métropole en application de l’article 43 de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014.
« Notre projet urbain s’inscrit dans une histoire deux fois millénaire et une identité forte : celles de Toulouse. Il a été construit sur la base d’un travail de plusieurs équipes d’urbanistes à l’échelle des différents secteurs de la ville et concerté à plusieurs reprises avec les associations de quartier. Fruit de l’écoute, de l’analyse et de l’ambition, il se projette résolument vers l’avenir en valorisant notre héritage collectif. » J.-L. Moudenc, Maire de Toulouse, Manifeste pour un projet urbain au service des Toulousains, 2018.
Pour ne rien rater de toutes nos publications, vous pouvez vous inscrire à la lettre d’information.
[1] L’extension de Toulouse après la guerre. Considérations sur le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension imposé à la Ville par la loi du 14 mars 1919. Essais d’application à ce plan des principes modernes de l’Urbanisme. Auta n°28, Toulouse, 1920, pp. 2 - 3
[2] La politique française d’aménagement du territoire de 1950 à 1985. Laborie J.-P., Langumier J.-F., De roo P., La documentation française, Parie, 1985. p. 34
[3] Toulouse Midi-Pyrénées La transition, Béringuier C., Boudou A., Jalabert G., Collection villes Clés, Stock, 1972. p. 12
[4] Ibid. p. 300
[5] P. Baudis, Maire de Toulouse, Éditorial du journal municipal n°21 décembre 78 – Janvier 79, lancement d’un questionnaire sur le Plan d’Occupation des Sols.
[7] Toulouse naissance d’une Métropole. La dépêche, décembre 2010. Edito de Lionel LAPARADE (chef des éditions de Toulouse-Métropole (sic), journaliste de la dépêche depuis 1987 il en deviendra rédac chef du journal en 2019).