Retour en son et en image sur un coin de rue de Toulouse, entre la rue de Tunis et la rue Negreneys. Là s’érigeait la cité bleue jusqu’en 2023. Son nom venait d’une rénovation des années 80 où des plaques d’amiante de couleur avaient été utilisées pour faire un bardage sur cette construction de la fin des années 50. La cité Caffort de son nom officiel a été amputée de nombreux logement et a définitivement perdu sa jolie teinte et de fait son nom d’usage. Ainsi, même s’il reste une bonne partie des bâtiments la cité bleue elle n’existe plus.
Cet article est une compilation de différent document collecté autour du projet dit de "rénovation" mené par Toulouse Métropole sur le quartier. Ce sont quelques immeubles construits à la fin des années 50 pour des traminots dans un coin de Toulouse qui était encore plus champs que faubourg. Si la ville semblait alors un peu loin, la gare était toute proche.
Dans les années 90 une opération de rénovation fait couvrir la vieille cité de plaque de couleur qui donnent fière allure aux immeubles. C’est pourtant bel et bien de l’amiante que l’on installe alors que la nocivité de ce composant est déjà largement connue. Ce petit bout de quartier est classé en Quartier Politique de la Ville dans ces mêmes années. Les pouvoirs publics vont mener une série d’intervention pour l’aménagement des espaces publics.
À la fin des années 90, la cité va être un lieu de vente de drogue relativement important et qui va s’installer durablement. Différents faits divers vont conduire à des interventions policières de plus en plus importantes jusque dans les années 2000 et 2010. En particulier, une opération de cloisonnement va couper les circulations dans la cité. Ces murs vont être un véritable problème pour les habitant·es et aussi un argument pour détruire une partie des bâtiments d’une cité désormais "enclavée". Encore aujourd’hui la presse parle de la "cité de la drogue" pour désigner l’endroit.
C’est aussi l’arrivée de la ligne B non loin au mitan des années 90, l’ouverture d’une crèche en 2014, la perspective de l’aménagement de Toulouse Euro Sud Ouest et finalement l’arrivée de la troisième ligne de métro qui va totalement changer la perspective pour ce quartier. En effet, les loyers plus que modérés de la vieille cité font tache dans un secteur où les prix de l’immobilier flambent. Un projet de "renouvèlement urbain" germe dans les années 2010, il faut attendre 2016 pour que les premiers échos arrivent aux oreilles des habitant·es. C’est dans les années 2020 que les opérations d’expulsion, de destruction auront lieu. À noter que si 160 logements sont démolis 315 connaissent des améliorations en termes d’équipement et d’isolation. Une chance pour ceux et celles qui restent et une tristesse pour les autres. Surtout qu’entre temps elles ont connu l’abandon qui précède ces opérations.
« On est délaissé, parce que les loyers ne sont pas chers, on ne rapporte pas de profit. Les caves sont pleines de rats. […] Y a pas de sous pour ici. Sans ça le quartier il est bien, la gare et le centre-ville sont pas loin. C’est dommage qu’on ne nous traite pas convenablement. On est des êtres humains » [1]
C’est dans les années 2020 que quelques personnes en particulier réunit dans l’émission brasero vont faire trainer leurs micros dans le quartier pour tenter de participer autant que possible à la résistance dans ce quartier. Cet article est une compilation des éléments collectés autour de ce moment. Il ne raconte pas toute la lutte, et encore moins toutes les histoires, de la cité bleue. C’est une archive qui permet de garder la trace de ceux et celles qui disparaissent sous les pelles des aménageurs.
Nous avions par exemple rencontré Denise, qui ne voulait vraiment pas partir :
Ou encore ce père de famille venu montrer à ses enfants les lieux de son enfance avant qu’ils ne disparaissent.
Les enfants parlaient aussi avec beaucoup de joie et sagacité de leur cité.
Longtemps enfermé dans les discussions avec les bailleurs les habitant·es de la cité bleue vont se faire entendre lorsque les associations qui sont logées elles aussi dans la cité sont menacées. Pour les habitant·es la lutte est d’abord quotidienne. On l’entend ici avec en particulier l’effet des murs construits autour de la cité au mépris de ses habitant·es.
C’est aussi pour la difficile recherche d’un relogement.
Et enfin une manifestation dans le quartier le 21 avril 2021.
Vous pouvez entendre une habitante de la cité bleue dans le documentaire "personne ne se souviendra de nous".
[1] Dans l’émission Brasero //La cité bleue en colère, diffusée en juillet 2021 et fruit d’une intervention radiophonique dans la cité en soutien à la lutte des habitant·es.