Mémoire coloniale dans le quartier des Minimes

17 octobre 2022 - par Collectif de Radiographie Urbaine

Beaucoup de petites histoires, de présences diverses, sont en permanence effacées dans la ville. Pourtant la ville avec ses rues et ses monuments et une machine à inscrire l’histoire dans le quotidien. L’histoire coloniale est un parfait exemple. L’association Survie travail, avec d’autres, à rendre visible ce petit musée permanent. Indiquer ce qu’il glorifie, souligner ce qu’il commémore et donc ce qu’il occulte et oublie dans le même temps. C’est une illustration forte des rapports de force dans nos sociétés puisque pouvoir nommer une rue, et encore plus une avenue, ériger un monument c’est un pur acte de pouvoir. La localisation de ces différents "hommage sanglant" interroge aussi beaucoup.

Ici ce n’est qu’une première approche d’un travail qui reste à compléter et qui le sera dans l’avenir. Il ne s’agit que du quartier des minimes. L’histoire coloniale de Toulouse reste à faire.

Toulouse n’est pas a priori une ville centrale de l’esclavage et de la colonisation comme Bordeaux ou Marseille. Ses rues glorifient pourtant bien des personnages ou des lieux du colonialisme, probablement par la centralité de cette politique dans la structuration de la République française. Plus de 100 rues ont été identifiées comme liés plus ou moins directement à la colonisation [1]. Des noms qui nous semble familier pour les croiser dans nos rues, mais dont nous connaissons rarement l’histoire.
Voici quelques noms que vous pouvez situer sur la carte ci-contre.

Jules FERRY
Personnage central de la politique coloniale de la fin du XIXème. Président du conseil, en 1881, il impose le protectorat français sur la Tunisie par traité puis par une opération de « pacification » de l’Ouest tunisien. Il lance la conquête du Congo par Pierre Savorgnan de Brazza. En 1883 il lance les premières offensives contre Madagascar et sa population, qui finira par‐ devenir colonie française en 1895. En 1885, il défend à la Chambre une demande de crédit du gouverne‐ ment pour une expédition à Madagascar aux motifs « qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures [...] De nos jours, je sou‐ tiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation. » Il finance une grande invasion au Tonkin qui mène au protectorat de la France sur l’Annam et le Tonkin, qui deviendront l’Indochine.


Général Louis FAIDHERBE

De 1844 à 1852, il commence sa carrière en Algérie, où il participe aux massacres de la conquête. Mais c’est surtout au Sénégal qu’il va sévir. Il y débarque en 1852 et y défend militairement les intérêts commerciaux français mis à mal par la très récente abolition de l’esclavage. Il devient gouverneur du Sénégal en 1854- 1861 et 1863-1865. Il y applique la « méthode Bugeaud » pratiquée en Algérie car c’est là selon lui qu’on apprend « comment on arrive à dominer et à organiser les peuples barbares ». Il fait massacrer des milliers de personnes et brûle des villages pour cette politique de « pacification ». Il utilise la famine comme arme de guerre. Il met aussi en oeuvre une stratégie de domination politique : « école des otages » pour « éduquer » les enfants des chefs sénégalais soumis, création du corps des tirailleurs sénégalais. Une campagne commune menée en France et au Sénégal contre la glorification de ce criminel existe : faidherbedoittomber.org

Général CHANZY
Comme beaucoup d’officiers français de l’époque il construit sa carrière et son prestige par une expérience dans les colonies. Il participe, lui aussi à l’occupation de l’Algérie, 16 ans, de 1843 à 1859. Après différents séjours, notamment dans le Corps expéditionnaire en Syrie, il retourne en Algérie en 1864 pour réprimer l’insurrection des Ouled Sidi Cheikh, à la frontière avec le Maroc ainsi que d’autres mouvements de résistance les années suivantes. Celà lui vaudra la Légion d’honneur. Il retournera en Algérie, cette fois comme « gouverneur et commandant des forces de terre et de mer » de 1873 à 1879. Suite à la grande insurrection d’El-Mokrani en 1871 en Kabylie, la France punit la population par le « séquestre » de « toutes les terres rebelles ». Chanzy organise l’installation de colons sur ces centaines de milliers d’hectares de terres volées lors de cet épisode et auparavant. Impact fondamental de la colonisation, la France supprime au passage les notions de propriété collective alors habituelles dans le pays.

Frédéric ESTÈBE
Instituteur à Toulouse, puis nommé à Madagascar, il entre dans le corps des administrateurs coloniaux. Il fait admirer sa fermeté lors de la conquête de Madagascar (NosyBe 1892). Remarqué par Galliéni qui le nomme administrateur en 1896 puis administrateur- maire de Tananarive en 1899. Il gravit les échelons : gouverneur d’Oubangui-Chari (1913), gouverneur général du Moyen Congo puis du Cameroun. Le journal d’André Gide Voyage au Congo relate un voyage effectué quelques années plus tard (1926-27) et dé‐ nonce les mauvais traitements sur les indigènes et la complicité de l’administration coloniale. En 1920 il est promu gouverneur de première classe et nommé à la Réunion. Sa carrière en tant que franc-maçon est également réussie car il est élu en 1930 président du conseil de l’ordre (grand maître) du Grand Orient de France. Il est Commissaire de l’Exposition coloniale internationale organisée à la Porte Dorée à Paris en 1931

D’autres initiatives sont à signalées en France :
 La campagne faidherbedoitomber.org en France et au Sénégal.
 Le Guide du Bordeaux colonial, éditions Syllepses, juin 2020.
 Le Guide du Paris colonial et de ses banlieues, éditions Syllepses, janvier 2018 et le blog guidedupariscolonialetdesbanlieues.wordpress.com - Le Guide du Soissons colonial, éditions Syllepses, 2020.
 Survie Toulouse a animé pendant plus de 4 ans l’émission Décolonisons sur Canal Sud, notamment les émissions Balade dans Toulouse coloniale - 21/06/2016 et Toulouse, Burkina Faso, 17 octobre 1961 : décolonisons partout - 24/10/2016 en ligne sur www.canalsud.net

Télécharger la carte en pdf :

[1Pour rejoindre et peaufiner ce travail et envisager de lui donner des suites. survie. midipyrenees@gmail.com